« La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? » : Réponse de France Hydrogène à la diffusion du documentaire Sur Le Front
France Hydrogène regrette la manière dont a été traité le sujet de la mobilité hydrogène dans le documentaire Sur Le Front du journaliste Hugo Clément, diffusé le 22 mai sur France 5.
Le reportage fait abstraction de nombreux usages, en se concentrant sur la mobilité individuelle et en omettant d’aborder la mobilité hydrogène dans son ensemble, notamment les bus déjà déployés pour décarboner les flottes de plusieurs collectivités, totalement absents du documentaire.
Alors que la filière est encore émergente, le reportage ne met en perspective aucune temporalité dans le développement de l’hydrogène décarboné et fait de nombreux amalgames entre le développement nécessaire des énergies renouvelables et la production d’hydrogène. Alors que l’hydrogène s’impose comme une des solutions incontournables pour réussir la transition énergétique en décarbonant de nombreux usages, que la filière va contribuer à réindustrialiser le territoire et créer de la valeur localement, nous regrettons qu’aucun de ces aspects n’aient été mentionnés.
France Hydrogène souhaite apporter un éclairage sur les thématiques abordées de façon biaisée ou très incomplète dans le documentaire :
La production d’hydrogène aujourd’hui et demain
En France, on produit de l’hydrogène depuis plus de 70 ans notamment car il sert de matière de base ou de réactif dans l’industrie – chimie, raffinerie, électronique, ou encore verrerie. Cela représente près de 900 000 tonnes d’hydrogène par an en France. Tout l’enjeu du développement de la filière hydrogène est de pouvoir proposer de l’hydrogène décarboné en grande quantité et à un coût compétitif pour décarboner ces procédés. Pour cela, on peut produire l’hydrogène en utilisant par exemple l’électrolyse de l’eau, la pyrogazeification ou la thermolyse de biomasse. C’est notamment sur la base de ce constat que le gouvernement (1) a misé sur l’hydrogène comme axe de décarbonation de l’industrie car il est possible de fabriquer massivement de l’hydrogène décarboné en développant une filière française de l’électrolyse. Aujourd’hui, nous sommes au début. Mais la volonté et les capacités sont bien là, on a mesuré que l’on pourrait produire plus d’un million de tonnes d’hydrogène décarboné à l’horizon 2030 (2). Pour décarboner l’industrie et les usages traditionnels dont la production d’ammoniac par exemple mais également pour de nouveaux usages comme dans la sidérurgie ou encore l’énergie ou les transports. L’hydrogène n’est pas une solution miracle mais sans hydrogène, on ne réussira pas la transition énergétique.
Les ressources nécessaires à la production d’hydrogène par électrolyse : l’électricité et l’eau
La question de l’électricité dépasse le périmètre de la filière hydrogène. L’objectif est d’accélérer la sortie des énergies fossiles (gaz et pétrole), sortir de certaines dépendances également. La dynamique est française, européenne et mondiale et nous allons donc vers plus d’électrification de notre mix énergétique. Même en accentuant nos efforts de sobriété jusqu’à être 20% plus économe en énergie, nous aurons besoin de plus d’électricité renouvelable et nucléaire. Ce besoin en électricité, nous l’avons évalué pour la production d’hydrogène à 2030 : en considérant que la production potentielle de plus de 1 million de tonnes d’hydrogène renouvelable et bas-carbone se ferait majoritairement par électrolyse en 2030, cela requiert plus de 50 TWh d’électricité, soit 10% de la consommation totale d’électricité prévue par RTE dans son scénario de référence (M23) à 2030 (500 TWh). Il est donc nécessaire de favoriser la production d’hydrogène par électrolyse à partir de notre réseau électrique, accélérer le déploiement des énergies renouvelables mais aussi soutenir la valorisation de la biomasse et des déchets afin de diversifier les modes de production d’hydrogène et les intrants nécessaires.
Toujours en considérant une production d’hydrogène de 1 million de tonnes à l’horizon 2030, les prélèvements et la consommation d’eau sont compris entre 10 et 20 millions de mètres cubes d’eau. Quant à la consommation nette d’eau associée, elle représente donc 10 millions de mètres cubes. En comparaison des niveaux de prélèvement et de consommation d’eau totaux en France, ces scénarios représentent moins de 0,1% des prélèvements et moins de 0,2% de la consommation d’eau. L’impact de la filière hydrogène sur le stress hydrique n’est donc pas prépondérant à l’échelle nationale mais les spécificités territoriales et saisonnières doivent faire l’objet de la plus grande attention notamment pour les risques d’impact sur la chaine d’approvisionnement de la production d’hydrogène.
Le captage, le stockage et la réutilisation du CO2
L’hydrogène, actuellement très majoritairement produit par vaporeformage de gaz, technique historique, produit beaucoup de CO2 (environ 10 kgCO2/kgH2 produit, contre moins de 3 kgCO2/kgH2 produit pour l’électrolyse utilisant de l’électricité renouvelable ou bas-carbone). Ce CO2 existe et fait partie des gaz à effet de serre rejetés annuellement par l’industrie (3). Cependant, des progrès sont réalisés dans le domaine de la capture et du stockage du CO2 : l’utilisation de l’hydrogène produit par vaporeformage avec capture de carbone va permettre d’accélérer la décarbonation de l’industrie, le temps étant compté pour ce secteur qui doit poursuivre sa transition. Il constitue une solution de transition, alors que les projets de production massive d’hydrogène par électrolyse de l’eau se déploient.
La voiture électrique à hydrogène
Rappelons qu’en France, la pollution de l’air provoque le décès prématuré de 48 000 personnes par an et que le 1er secteur émetteur de CO2 est celui des transports (31% des émissions de CO2) : il est donc urgent d’agir pour décarboner ce secteur grâce aux véhicules électriques à batteries et à hydrogène (des véhicules utilitaires légers, des bus, des camions, des trains, des navires et plus tard des avions).
La voiture à hydrogène est un véhicule électrique et n’émet donc pas de gaz à effet de serre ou de polluants à l’échappement. L’intérêt de l’hydrogène pour la mobilité, c’est la rapidité du temps de recharge (5 minutes) et l’autonomie (600 à 800 km pour une berline) – en plus des avantages d’être un véhicule électrique. L’hydrogène est déjà entré dans le quotidien de certains usagers des transports qui utilisent tous les jours les bus à Pau, La Roche-sur-Yon, Auxerre ou encore Versailles.
A l’instar de la voiture électrique ou la voiture thermique, la voiture à hydrogène a des impacts environnementaux liés à la production de la voiture, à la production de la pile à combustible et également, à la production de l’hydrogène. Si l’hydrogène est issu du reformage des énergies fossiles, le bilan en matière d’émissions de gaz à effet de serre, s’approche de celui d’un véhicule diesel mais reste inférieur (4). Si l’hydrogène est produit à partir d’électricité bas carbone alors la voiture à hydrogène fait nettement mieux que le véhicule thermique et aussi bien que le véhicule électrique à batteries.
Concernant l’empreinte carbone du véhicule hydrogène, il est nécessaire d’analyser le cycle de vie. En France, par exemple, on estime à partir des données de l’ADEME (5), qu’un véhicule roulant avec un hydrogène produit avec de l’électricité du réseau électrique français (donc largement bas carbone) aurait une empreinte carbone jusqu’à 75% moindre que celle d’un véhicule diesel.
Tous les français ne rouleront pas avec une voiture à hydrogène mais l’hydrogène fera partie d’un mix décarboné pour les transports : l’hydrogène pourrait alimenter 18% de la flotte de véhicules en circulation en 2050. En complémentarité de véhicules électriques à batteries, il représente une bonne solution pour ceux qui doivent parcourir de longues distances, transporter des charges lourdes ou bien utiliser leur véhicule de façon intensive, notamment les transporteurs, les routiers, les camionnettes qui acheminent et livrent en ville sur le dernier kilomètre, les chauffeurs de taxis mais aussi les artisans. Le véhicule hydrogène viendra apporter le complément indispensable à l’électrification des transports car la batterie ne peut pas tout faire tout de suite. La décarbonation ne peut être réalisée que par un bouquet de technologies et pas une solution unique.
La sécurité et la réglementation liées à l’hydrogène
Quand on parle d’énergie, il est primordial de mentionner les risques mais surtout de les connaître et les maîtriser. En effet, tout vecteur d’énergie présente des risques (l’électricité, le gaz, l’essence dans les stations). L’hydrogène possède des propriétés physico-chimiques différentes des autres gaz ou combustibles tels que le gaz naturel ou l’essence et requiert donc une approche de maitrise du risque adaptée. Utilisé depuis des décennies dans l’industrie, l’hydrogène est un gaz synthétique et un produit industriel. Il s’agit d’une technologie ultra-sécurisée et régulée, au niveau national et international. Les risques associés à sa production et à son utilisation sont donc connus et maîtrisés. Pour les nouveaux usages – dans la mobilité, l’énergie, le stationnaire – la règlementation est un des premiers moyens de garantir un niveau suffisant de sécurité et de maitrise des risques. Des normes européennes de sécurité s’appliquent également à tous les équipements hydrogène. Des tests sont réalisés notamment par l’Ineris : les réservoirs à hautes pressions qui équipent les voitures sont soumis à des feux, des chutes et même des tirs de balles afin d’évaluer d’une part le maintien de leur intégrité en situation accidentelle et d’autre part le niveau de fiabilité des dispositifs de sécurité. Les voitures subissent également les crash-tests (la berline à hydrogène Toyota Mirai obtient cinq étoiles aux crash-tests Euro NCAP).
Le réservoir hydrogène a une résistance mécanique intrinsèque au-dessus de tous les composants existants dans un véhicule, grâce à l’épaisse couche de fibres de carbone. Cela garantit son intégrité mécanique dans toutes les conditions d’accidents. Les réservoirs et systèmes hydrogènes sont tous certifiés par la dernière norme internationale qui impose des tests de sécurités drastiques :
- Résistance au remplissage de l’équivalent d’1 plein par jour pendant plus de 40 ans, et à 2.25 fois la pression de service (Donc 1575 bar pour un réservoir de 700 bar),
- Résistance au froid extrême (-40°C) et à la chaleur (85°C),
- Résistance aux attaques chimiques afin de vérifier également leur intégrité physique complète quel que soit l’environnement.
Afin de prévenir les risques en cas d’incendie dans un milieu confiné, les réservoirs sont tous équipés de systèmes de sécurité TPRD (Température and Pressure Release Device). Ces capteurs détectent tout changement de température ou de pression dans le réservoir, et en cas de comportement anormal déclenchent la purge de celui-ci pour prévenir tout risque d’explosion.
De la même manière, les stations de remplissage sont extrêmement sécurisées, avec des systèmes de détection de pression/surpression afin qu’aucune émission d’hydrogène n’ait lieu au contact du véhicule ou de l’utilisateur.
Si l’inflammabilité de l’hydrogène est plus élevée que celle du gaz ou du pétrole, le risque d’accumulation et de formation d’une nappe d’hydrogène est beaucoup plus faible en raison de sa volatilité. Il se dilue 4 fois plus vite dans l’air que le gaz naturel et 12 fois plus vite que les vapeurs d’essence.
Les formations au risque hydrogène et multi gaz, permettent de sensibiliser les primo intervenants (les pompiers) sur les risques liés aux gaz et d’identifier les conduites à tenir sur les installations fixes et les véhicules à énergie alternative. L’Ecole Nationale Supérieure des Officiers Sapeurs-Pompiers dispose depuis 2016 d’une plateforme de formation unique en Europe dédiée à ce risque. Les formations sont destinées aux agents des services d’incendie et de secours, aux personnels des collectivités territoriales et aux industriels producteur, transporteur ou utilisateur.
Le développement de l’hydrogène est une formidable opportunité pour décarboner profondément les secteurs de notre économie et réindustrialiser les territoires. Cette opportunité a été identifiée non seulement par la France mais également par l’Europe et de nombreux pays dans le monde. La dynamique et le constat sont donc partagés au niveau mondial. L’hydrogène a sa place dans le mix énergétique décarboné à venir pour alimenter de nombreux usages : la mobilité, l’industrie mais aussi l’énergie. Appréhender les nouveaux usages énergétiques de ce vecteur connu de longue date dans le domaine industriel nécessite un peu plus de 52 minutes …