Journées hydrogène de Dijon : la filière reste mobilisée malgré un contexte politique incertain
Et à la veille de cette 11ème édition des JH2T, la métropole de Dijon a procédé à l’inauguration de sa première station à hydrogène. Une étape symbolique dans le cadre de sa stratégie hydrogène, dotée d’un budget de 100 millions d’euros. On pouvait voir sur place François Rebsamen, maire de Dijon ; Marie-Guite Dufay, Présidente de la région Bourgogne Franche-Comté ; Marion Derrider Blondel, Présidente d’Engie Solution Hydrogène ; et Dominique Darne, Président d’INTHY.
Parmi les invités, il y avait aussi le député européen Christophe Grudler venu de Belfort, mais aucun représentant de l’Etat. La station Nord introduit un nouvel écosystème énergétique local reposant sur un modèle d’économie circulaire inédit. En effet, la production et la distribution en circuit court d’hydrogène vert se fait à partir de la valorisation énergétique de l’incinération des déchets (issus de la collecte des ordures ménagères de 92% de la population du département de la Côte-d’Or). Cet hydrogène est ensuite distribué par trois pompes, afin d’alimenter des bennes à ordures et des bus à une pression 350 bars, et des véhicules légers à 700 bars. Une deuxième station d’hydrogène vert, située au sud de Dijon, sera opérationnelle en 2026 pour alimenter en hydrogène les 38 bus prévus de la métropole dijonnaise, avec une capacité de près d’une tonne d’hydrogène par jour. Avec un total de 22 bennes à ordures ménagères et 55 à 60 bus hydrogène en service en 2035, Dijon métropole permettra d’éviter chaque année 4000 tonnes de rejets de CO2 soit l’équivalent de plus de 18 millions de km en voiture thermique.
Le premier jour de l’événement, le Président de France Hydrogène, le maire de Dijon et la Présidente de la région bourgogne-Franche-Comté ont fait allusion au contexte politique qui pourrait retarder des prises de décision. Il est vrai que la filière attendait notamment des précisions concernant le mécanisme de soutien à la production par électrolyse, de même que la révision de la stratégie nationale (qui était attendue pour le 14 juillet). « Ça n’éclaircit pas le paysage, et il y aura des retards dans les décisions », déplorait Philippe Boucly. Le maire de Dijon, François Rebsamen a réaffirmé le « besoin d’être accompagné par les pouvoirs publics ». Il a indiqué que les subventions pour la mobilité lourde étaient importantes mais pas suffisantes ». Et pour clore le chapitre des querelles politiques par rapport à ceux qui mettent en doute le bien-fondé de l’hydrogène, Marie-Guite Dufay a déclaré que « ça fait partie des solutions ». « Si on s’arrête dès qu’on est inquiet, on ne fait plus rien », a lâché François Rebsamen juste avant de filer en séance plénière.
Pour cette édition 2024, les organisateurs avaient choisi de mettre en avant l’importance de l’hydrogène dans la décarbonation et la réindustrialisation des territoires. C’était aussi un souhait de la Région Bourgogne-Franche-Comté qui a fait du développement de la filière hydrogène renouvelable et bas carbone une de ses priorités, avec un budget de 100 millions d’euros. Et on entre dans le concret avec des giga factories (Forvia, McPhy, et bientôt Gen-Hy et Inocel), ainsi que des stations à Auxerre (pour les bus et prochainement les trains) et Danjoutin (près de Belfort pour la mobilité des bus). La toute nouvelle station de Dijon était au programme des visites techniques, de même que les Ateliers André Gervais (centre d’exploitation et de maintenance tram-bus-vélos Divia mobilités). Deux industriels locaux, Suntec et Sundyne avaient également prévu d’ouvrir leurs portes aux congressistes. Il était possible aussi de voir le laboratoire ICB de l’Université de Bourgogne, spécialisé dans les matériaux pour les piles à combustible, ainsi que le site Inovyn de Dole-Tavaux (Jura).
Comme à son habitude, France Hydrogène a profité de ce rendez-vous pour sortir des publications. Elles portaient sur l’emploi et la mobilité. Les participants ont pu ainsi trouver un guide pratique « Déployer des stations hydrogène dans votre territoire ». Réalisé en partenariat avec la FNCCR, cet ouvrage de 76 pages fait le point sur le déploiement de stations en France (plus de 75) et donne des indicateurs très utiles sur la mobilité. En juin, on recensait 58 bus à hydrogène en circulation dans l’hexagone (721 prévus d’ici 2033), 7 bennes à ordures en exploitation (167 d’ici 2033), 1 camion en exploitation (412 d’ici 2026) et 3 autocars retrofités (76 prévus d’ici 2026). Les chiffres peuvent paraître faibles, mais le passage à l’échelle se dessine. Le guide fait un point utile sur l’offre en matière de véhicules, les appels à projets et des mécanismes comme la TIRUERT. Et les collectivités pourront trouver tous les renseignements utiles pour choisir leur type de station.
En complément, on pouvait lire aussi également un ouvrage de retours d’expériences : « Premiers déploiement de bus électriques à hydrogène en France », réalisé avec ERM France. Les lecteurs prendront avec intérêt connaissance des retours de la Roche-sur-Yon, qui a déployé deux bus H2. Le guide fait aussi un état de l’art des déploiements (Pau, Versailles, Lens, Le Mans, Auxerre, Toulouse, Lyon, Rouen, Belfort…). On y trouve aussi le catalogue des véhicules disponibles (Caetano, Iveco, Mercedes, Safra, Solaris), sachant que Van Hool est dans une situation délicate.
Par ailleurs, « Le guide emplois et formations dans la filière hydrogène 2024-2025 » permet de découvrir les métiers, les entreprises et les formations. Plus de 80 Pages d’informations et de témoignages, afin de bien s’orienter sur un secteur d’avenir. Ce guide a été réalisé par Consilde Media Group.
Si le contexte politique a pesé sur l’ambiance de ces journées de Dijon, les congressistes ont pu goûter à l’hospitalité bourguignonne. La soirée du 25 juin a été une réussite et la météo a été vraiment de la partie. Tard dans la soirée, les discussions sur la filière hydrogène ont pu se poursuivre sur des terrasses du centre-ville. Le lendemain, le Président de France Hydrogène, Philippe Boucly, a souhaité délivrer un message fort en matière de communication. « La filière veut positiver, rester unie et interpeller les politiques pour garantir un soutien dans le temps » a-t-il plaidé. Il a voulu témoigner de la mobilisation de la filière et de son action d’ores et déjà palpable au sein de l’économie française. Les giga factories sortent de terre et des champions sont prêts à participer à la compétition mondiale, pour les électrolyseurs mais aussi dans la mobilité (piles, réservoirs). Et l’effet se fait sentir au niveau de l’emploi. Plusieurs milliers de postes ont été créés en quelques années et il y en aura à terme plus de 50 000. « Non, l’hydrogène ne fera pas tout. Mais sans l’hydrogène, on ne pourra pas faire de la transition énergétique », estime Philippe Boucly.
Comme il est de tradition, les JH2T se sont achevées avec l’annonce de la prochaine ville qui accueillera ce rendez-vous bien ancré dans la filière. C’est donc Lyon qui recevra la filière hydrogène l’année prochaine, à l’invitation de la région. Un choix assez logique. La région Auvergne-Rhône-Alpes reste l’une des plus dynamiques en ce qui concerne l’hydrogène. Elle concentre en effet une bonne partie de la filière avec des figures de proue qui ont pour nom Symbio*, McPhy, HRS, GCK, Atawey… Au-delà du programme ZEV (Zero Emission Valley), qui a permis de faire émerger un réseau de stations (compatibles avec les véhicules lourds), c’est le projet de grande vallée hydrogène, IMAGHyNE, qui occupe le devant de la scène (voir l’interview de Thierry Kovacs un peu plus loin). Après Dijon et ses vins, c’est un autre temple de la gastronomie qui va accueillir les congressistes. Mais surtout, c’est un territoire où la décarbonation devient une réalité avec l’arrivée de l’hydrogène dans la vallée de la chimie.
*Qui se félicite du choix de Lyon. L’entreprise avait rédigé une lettre pour soutenir la candidature de la région Auvergne-Rhône-Alpes