Alors que Genvia vient d’annoncer un démonstrateur avec ArcelorMittal, pour tester sa technologie d’électrolyse à haute température, sa Présidente nous explique comment l’entreprise prépare son passage à l’échelle.
  • Que peut-on dire sur ce démonstrateur industriel à Saint-Chély-d’Apcher (Lozère) ?

C’est pour nous un rendez-vous important. Comme on part d’une page blanche en termes de technologie et d’usages, ça nous donne vraiment l’opportunité de faire un démonstrateur, qui est un véhicule de test. Il ne s’agit pas encore du produit final, mais cela permet de démontrer la faisabilité de cette technologie à haute température « solid oxide » dans un milieu industriel. Grâce à notre produit, on couvre plus de 70 % des besoins d’ArcelorMittal. Cela nous permet aussi de tester la connexion de chaleur en milieu industriel. Même si on n’est pas les tout premiers dans ce domaine technologique, on pense qu’on est dans les premiers à passer à l’expérimentation avec cette récupération de chaleur issue du process industriel. Cette dernière est vraiment intrinsèque à notre proposition de valeur de la haute température. Il fallait le démontrer au plus vite. En cela, ce démonstrateur avec ArcelorMittal va permettre d’accéder à beaucoup d’informations en vue du produit final qui va sortir en 2026. Sur ce test, on va être sur une capacité de 300 kW, mais le produit final est sur une cible de 1 MW.

  • ArcelorMittal est l’un des leaders de la sidérurgie. C’est donc une collaboration très symbolique ?

C’est important et d’ailleurs, Bruno Ribo – le responsable des opérations pour les aciers électriques (COO Electrical Steel ArcelorMittal Flat Europe) – l’a dit lors de notre annonce conjointe, il y a la possibilité de faire plus de 30 fois en Europe la même chose avec les lignes d’ArcelorMittal. C’est donc une opportunité commerciale.

  • En dehors de ce démonstrateur, il y a aussi un projet sur le thème d’actualité des carburants de synthèse…

On a mis en place un consortium en Occitanie avec Airbus, qui est le leader mondial de l’aviation. Il s’agit de tester là aussi l’électrolyse à haute température et son rendement, mais en mode co-électrolyse. On intègre en même temps l’eau et le CO2 de façon à obtenir un gaz de synthèse (syngas). On avait fait cette annonce au mois de janvier et les premières études sont très positives. On obtient un abaissement très significatif du coût du e-kérosène, de l’ordre de 20 à 40 % en fonction du coût de l’électricité. Le consortium continue et va passer à une phase 2.  C’est important de le faire avec un acteur aussi emblématique qu’Airbus.

  • Pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet de giga-factory ?

Je suis toujours prudente par rapport à ce terme de factory qui deviendra giga. Notre modèle est celui de la flexibilité pour la montée en puissance. Chaque ligne va faire à peu près 100 MW. Si je reprends le calendrier, on va déposer le permis l’année prochaine. Genvia a déjà identifié un site, sélectionné par France 2030. L’idée est ensuite de poser la première pierre au même moment qu’on délivre le produit, fin 2026. Nous serons ensuite en capacité de produire à la fin 2028. L’ambition est à terme d’atteindre une capacité de 1 GW, voire au-delà, car les 30 hectares de terrain sont extensibles. Nous allons connecter le nombre de lignes par rapport au carnet de commande des clients. On voit bien que le marché de l’hydrogène n’est pas simple. La technologie de Genvia vient en complémentarité des autres technologies d’électrolyse. Et notre point fort, c’est le couplage avec la récupération de chaleur, comme nous allons le faire avec ArcelorMittal. Ce sera un process complètement intégré dans les cheminées et dans les fours. Encore une fois, nous ferons preuve de flexibilité, même si on vise à terme la taille giga.

  • En tant que fabricant d’électrolyseurs, que pensez-vous des mesures mises en place par la Commission Européenne pour protéger de la concurrence chinoise ?

Ce n’est pas assez. Au-delà de la question des électrolyseurs, je suis très inquiète de ce qu’il se passe dans le monde de l’industrie, avec un flot de mauvaises nouvelles. D’ailleurs, ArcelorMittal a tiré la sonnette d’alarme en disant qu’il fallait que l’Europe se batte pour protéger les importations en provenance de Chine. C’est en fait le sort de notre industrie qui se joue en ce moment. Sur le sujet plus spécifique de l’électrolyseur, on avait regardé avec France Hydrogène comment on pouvait faire une montée en puissance plus raisonnée, de façon à permettre aux acteurs européens d’atteindre un stade de maturité. La Commission fixe un certain seuil pour les acteurs européens, mais il y a tellement de moyens de contourner ces critères que je ne suis pas tranquille, alors que je suis quelqu’un d’optimiste d’habitude. Quand on voit comment les différents blocs fourbissent leurs armes et leurs taxes, on a intérêt à être plus dur que ce qu’on a proposé.

  • Pour terminer, quelles sont vos attentes par rapport à la révision de la stratégie nationale de l’hydrogène ?

Il faut maintenant se préoccuper des déploiements. Il est nécessaire d’aider le plus possible les consortiums qui vont se monter entre les futurs clients et les fabricants d’électrolyseurs et de soutenir la différence de coûts en termes de production d’hydrogène. Au nom du SER (Syndicat des Energies renouvelables), je pense qu’il faut aussi se préoccuper de l’approvisionnement en électricité décarbonée et forcer un peu le trait sur les synchronisations entre la feuille de route hydrogène et celle sur les énergies renouvelables. Toute la première phase de montée en puissance – et c’est le calendrier qui le dit – va se faire avec du renouvelable, et il faut synchroniser le plus possible ces feuilles de route.