Camion à hydrogène : un livre blanc pour y voir plus clair
Ce document a été présenté à l’occasion d’une conférence, co-organisée à l’Université de Paris-Dauphine avec France Supply Chain. Intitulé « Quelles perspectives pour le poids lourd électrique à hydrogène pour le transport de marchandises ? », ce livre blanc de 160 pages a été rédigé par Element Energy avec le support du groupe de travail mobilité de France Hydrogène. Le document s’appuie également sur les témoignages d’acteurs de référence comme Air Liquide, GreenGT, Iveco, mais aussi Symbio, Faurecia, Michelin, ainsi que des organismes comme la PFA (Plateforme de la Filière Automobile & Mobilités) et le pôle de compétitivité CARA. Il se destine aux acteurs du transport routier (chargeurs, transporteurs, logisticiens…) qui désirent s’informer avant de se lancer.
Présenté sous la forme de questions-réponses, le livre blanc tourne autour de trois grandes interrogations : pourquoi la solution hydrogène pour le transport de marchandises (place au sein des énergies alternatives, usages, atouts environnementaux), quelle dynamique en France et en Europe (acteurs du marché, projets, quels types d’infras) et comment construire un projet de déploiement (modèle économique, réglementation). On apprend notamment que pour récupérer 500 km d’autonomie, il faut de 15 à 20 mn pour faire le plein d’hydrogène, contre 120 à 420 mn pour recharger des batteries. La consommation moyenne est de 8 à 9 kg d’hydrogène pour 100 km sur un tracteur routier. Avec de grands projets nationaux et européens, le camion à hydrogène va bientôt devenir une réalité. Il va pouvoir se déployer, à condition toutefois que le coût de l’hydrogène soit ramené entre 6 et 9 euros le kilos.
Des sorties échelonnées d’ici la fin de la décennie
Du côté des constructeurs, chacun a son calendrier d’ici 2030. Le pionnier est bien entendu Hyundai, qui a commencé en 2021 à déployer des XCient Fuel Cell en Suisse et doit en livrer 1600 d’ici 2025. Toyota s’y met aussi, avec des partenaires comme Kenworth aux USA ou Hino au Japon. L’autre challenger est Hyzon Motors, qui lancera des premiers camions en Europe cette année et aura une capacité de production en Europe de 2 000 véhicules par an d’ici fin 2024. En association avec Nikola, le fabricant italien Iveco entend proposer d’ici fin 2023 de premiers exemplaires de son camion à hydrogène (le Nikola Tre). Et puis, il y a Daimler Truck. Le fabricant de camions (qui est indépendant et n’est plus lié à Mercedes), prévoit de lancer son GenH2 entre 2026 et 2028 avec une autonomie de 1 000 km. Rappelons que le constructeur allemand est partenaire de Volvo, avec qui il a créé la co-entreprise cellcentric qui fait des piles à combustible.
Daimler Truck voit une coexistence entre batterie et pile à combustible
Alors que l’on oppose parfois la batterie à l’hydrogène, Daimler Truck tranche la polémique. Pour l’industriel, les deux voies sont nécessaires pour décarboner le transport routier. Voici ce qu’en dit le Dr. Andreas Gorbach, membre du conseil d’administration de Daimler Truck et en charge de la technologie : « Il y aura toujours des discussions qui n’aborderont que des aspects partiels des différentes technologies de motorisations alternatives, comme l’efficacité énergétique. En fait, l’efficacité énergétique est plus élevée avec les moteurs électriques à batterie qu’avec les moteurs à hydrogène, mais on oublie souvent la vue d’ensemble ». Et cet expert de préciser : « Outre l’efficacité énergétique, la disponibilité d’une infrastructure correspondante et d’une quantité suffisante d’énergie verte est décisive pour une conversion réussie aux technologies à zéro émission. Nous sommes convaincus que ce besoin en énergie ne peut être couvert rapidement et à moindre coût que par les deux technologies ».
Pour le Dr Gorbach, « l’hydrogène vert jouera ici un rôle central ». Et voici son argument : « Nous pensons qu’il sera commercialisé à des prix très intéressants à l’avenir. Nous voyons également des avantages en termes de coûts et de faisabilité technique de l’infrastructure de l’hydrogène, ainsi qu’une plus grande autonomie, une plus grande flexibilité et des temps de ravitaillement plus courts pour les clients. Par conséquent, les camions à hydrogène peuvent être une option viable pour nos clients, en particulier pour les opérations difficiles sur de longues distances et notamment en termes de coût total de possession – même si l’efficacité énergétique est moindre. Lorsqu’il s’agit de déterminer la meilleure solution de transport, l’efficacité énergétique est un critère important mais loin d’être suffisant ».
Avec Linde, Daimler Truck développe depuis un certain temps déjà la prochaine génération de technologie de ravitaillement en hydrogène liquide pour les camions à pile à combustible. Le constructeur prévoit aussi de collaborer avec les sociétés Shell, BP et TotalEnergies. En outre, Daimler Truck, IVECO, Linde, OMV, Shell, TotalEnergies et le groupe Volvo se sont engagés à travailler ensemble pour contribuer à créer les conditions nécessaires au déploiement en masse des camions à hydrogène en Europe dans le cadre de H2Accelerate (H2A).
Des projets nationaux et européens pour amorcer le marché du camion H2
En parallèle de ces calendriers d’industriels, de grands projets vont contribuer aussi à amorcer la pompe. Dans le cadre de H2Haul, Iveco et VDL ont pu élaborer des camions à hydrogène. Le même Iveco prévoit aussi 5 tracteurs d’ici 2025 dans le cadre du programme R’Hyse (Route Hydrogène du Sud Est, avec la filiale SATM des ciments Vicat) dans le sud de la France. Le programme HyTrucks prévoit le déploiement de 1 0000 camions et de 25 stations d’ici 2025 dans le nord de l’Europe. Il associe notamment Air Liquide et Hyzon. N’oublions pas non plus le programme H2Accelerate avec Iveco, Daimler, Volvo et des énergéticiens.
En France, il existe aussi des projets comme Hyammed et CATHyOPÉ. Ce dernier a été lancé en octobre 2017 et réunit trois partenaires fondateurs, GreenGT, les Transports Chabas et Carrefour. Leur objectif est de concevoir, réaliser et exploiter un camion de transport de 44 t (un porteur de 26 t et sa remorque de 18 t) à propulsion électrique-hydrogène dans le sud de la France. Si une présentation du camion a déjà eu lieu lors du GP de France de Formule 1 en juin 2021, GreenGT prévoit de le dévoiler officiellement à Toulon à l’occasion d’un événement organisé dans le Var. La société franco-suisse va en effet participer à Meet4H2, une convention d’affaires prévue les 23 et 24 mars. Un choix logique pour GreenGT, qui a une base technique sur le circuit du Castellet. Le camion sera ensuite homologué dans la foulée.