Après un tour du monde qui a duré 7 ans, Energy Observer boucle sa dernière escale à Paris. Le bateau est visible jusqu’au 11 octobre avec un Village ouvert au public depuis le 13 septembre. Le capitaine du navire, Victorien Erussard, et l’un de ses parrains, Bertrand Piccard, se confient pour Hynovations.

Victorien, avec cette escale à Paris on peut dire que la boucle est bouclée ?

Victorien Erussard : « Oui, car nous étions venus ici présenter Energy Observer en juillet 2017. Cela avait été d’ailleurs une super aventure que de remonter la Seine avec ce bateau. J’ai encore des images en tête avec le passage sous les différents ponts, la Tour Eiffel et le métro qui passait au-dessus de nous. C’était magique. Quelle émotion de revenir ici et exactement au même endroit de là où nous sommes partis pour ce tour du monde ».

Pour quelle raison, Bertrand, avez-vous souhaité être présent à Paris auprès d’Energy Observer ?

Bertrand Piccard : « Il y a 7 ans, j’étais là en tant que parrain du bateau. J’ai confié à Victorien Erussard le compas – c’est-à-dire la boussole – de Solar Impulse. L’instrument que j’avais devant les yeux pendant tout mon tour du monde a permis de lui montrer le cap qu’il fallait garder, c’est-à-dire l’esprit pionnier et la persévérance face aux problèmes auxquels il devrait faire face. Et puis, c’était aussi pour améliorer la qualité de vie sur cette planète. Maintenant, ce compas a fait le tour du monde. Et Victorien me le remet afin que je puisse l’utiliser dans le cadre de mon prochain tour du monde avec Climate Impulse ».

7 ans, c’est une durée incroyable pour un tour du monde ?

Bertrand Piccard : « Vous savez, ce qu’il faut c’est des projets spectaculaires pour rappeler à tous qu’il est possible de faire plus que ce qu’on ne croit. On vit dans un monde où l’on parle plus des problèmes que des solutions et où on est défaitiste ou sceptique par rapport à ceux qui essaient de faire quelque chose pour avancer. Et tout cela mène à l’éco-anxiété et à l’inaction. Il faut casser ce cercle vicieux et passer à l’action. Il est donc nécessaire de montrer qu’on a des solutions et remettre ainsi de l’espoir ».

Victorien, quels sont vos liens avec Bertrand ?

Victorien Erussard : « C’était important pour nous de l’inviter car il a toujours été là, comme un parrain et en même temps il a beaucoup inspiré l’odyssée d’Energy Observer. Je l’avais rencontré en 2015 à Abou Dhabi au World Energy Future Summit et j’avais vu à l’époque son avion Solar Impulse 2. J’étais vraiment ébahi par cette technologie. Bertrand a toujours été bienveillant à notre égard. On s’est beaucoup inspiré de sa façon d’organiser ses projets. Il y a clairement du Solar Impulse dans notre organisation. Par ailleurs, Bertrand m’a confié le compas qui avait pris place à bord de ses deux avions. Il nous a guidé symboliquement. Je précise au passage que nous avons fait 3,14 fois le tour de la terre ».

Et que pensez-vous de son futur projet ?

Victorien Erussard : « Comme vous le savez, Energy Observer est une vitrine pour la filière hydrogène. C’est très bien de voir Bertrand Piccard prendre la suite pour un projet de tour du monde sans escale avec un avion à hydrogène liquide. Et il va y intégrer à nouveau son compas, en devenant également un ambassadeur de l’hydrogène ».

Bertrand, que peut-on dire à ce stade de votre projet ?

Bertrand Piccard : « Nous allons faire un tour du monde sur un avion qui sera alimenté par de l’hydrogène liquide, produit de manière propre et décarbonée. Nous serons deux à bord, Raphaël Dinelli et moi. Ce vol va durer neuf jours. C’est Raphaël, à travers son entreprise 49 SUD, qui est chargé de la conception et de la fabrication de cet avion. Nous avons des partenaires qui sont là depuis le début du projet comme Syensqo, qui est une entreprise issue de Solvay, et qui produit des membranes pour les piles à combustible tout comme des matériaux composites. Mais nous avons été rejoint aussi par le Maroc, avec l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), ainsi que l’Université Mohammed VI Polytechnique. On a déjà signé assez de partenaires pour pouvoir construire notre avion. Ce n’est pas seulement une vision, mais un vrai projet qui se matérialise un peu plus chaque jour ».

Et quel est l’agenda ?

Bertrand Piccard : « Nous prévoyons la construction pendant encore deux ans, des tests en vol fin 2026, puis des vols de longue durée en 2027. Si cela est possible, nous ferons en 2028 le tour du monde sans escale et sans aucune émission. Quand on entend dire qu’il ne sera pas possible de produire assez d’hydrogène et d’équiper les aéroports, cela rappelle le même débat qu’au moment de remplacer les chevaux et les bottes de foin dans les relais postaux par des bus. Bien sûr qu’on aura de l’hydrogène vert, produit par électrolyse et avec des énergies renouvelables ».

Victorien, on sait que vous avez-vous aussi des projets. Qu’est-ce qui se prépare ?

Victorien Erussard : « Energy 2 est un projet de cargo à hydrogène liquide à plus de 100 millions d’euros. C’est vertigineux quand on annonce les chiffres, mais il faut bien voir que c’est un cargo de 160 m de long et de 12 000 tonnes, capable d’embarquer 1 100 conteneurs. L’objectif est de passer d’une petite puissance à une grande puissance, en faisant fonctionner 100 piles à combustible du secteur automobile, issues de chez Toyota et intégrées sous forme modulaire par EODev. On va passer par ailleurs de 62 kilos d’hydrogène gazeux à 40 tonnes d’hydrogène liquide. C’est un gros défi technologique qui nécessite d’avoir un consortium très engagé, réunissant l’armateur, l’affréteur, des partenaires industriels mais aussi tout l’écosystème pour la production de l’hydrogène liquide à terre. On est très avancé sur la partie études. Le vrai sujet c’est le coût de l’hydrogène et il faut réunir les meilleurs paramètres pour proposer une solution compétitive à la filière maritime ».

Et il y a aussi Energy Observer 3…

Victorien Erussard : « Là, on sort du transport de marchandises pour repartir sur un navire d’expédition. Je n’avais pas envie de poser mes valises. Energy Observer 3 aura une taille similaire à celle de notre bateau actuel et pourra commencer à naviguer à partir de 2027. Sa vocation est d’explorer toutes les solutions technologiques avec la batterie, l’hydrogène gazeux et liquide, mais aussi les carburants de synthèse. Autrement dit, tout ce qui va impacter le transport maritime dans les prochaines décennies. Energy Observer participera quant à lui à quelques événements en Europe en 2025et sera intégré à notre futur Observatoire de l’Energie pour lequel nous cherchons un lieu avec la région Bretagne, le gestionnaire de ports Edeis et la ville de Saint-Malo ».

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