Utilitaires, camions : la mobilité lourde prépare sa conversion à l’hydrogène
Par rapport à la précédente édition de ce salon, qui a lieu tous les deux ans, il y avait encore plus de véhicules électriques, mais aussi beaucoup plus de versions à hydrogène. Il faut d’ailleurs souligner que trois des prix (Awards) de l’IAA Transportation ont été décernés à des véhicules H2. Ainsi, Renault a décroché pour le Master le titre de fourgon de l’année 2025, décerné par le jury « International Van Of The Year » (IVOTY). Sa nouvelle plateforme multi-énergies le positionne en nouvelle référence du marché et lui offre la meilleure efficience de sa catégorie, en version thermique, électrique ou hydrogène. Du coup, le Master H2-Tech devient ainsi le premier fourgon hydrogène à recevoir cette reconnaissance. Par ailleurs, Solaris a décroché le prix du bus de l’année pour l’Urbino 18 hydrogen : un modèle qui fait beaucoup parler de lui en ce moment et qui transportait les visiteurs du salon. Et dans le camion, un prix spécial de l’innovation a été décerné à Man pour son moteur à hydrogène.
L’événement a d’abord été l’occasion pour les constructeurs français de présenter des nouveautés dans l’utilitaire à hydrogène. Renault a ouvert le bal. Au lieu de 400 km, le nouveau Master H2 Tech de Hyvia peut en parcourir 700 (!) selon le cycle WLTP. Soit, une augmentation de 75 %. Pour arriver à un tel résultat, Hyvia a joué sur plusieurs paramètres. Le nouveau fourgon embarque ainsi une pile à combustible de nouvelle génération développée par Plug de 47 kW (au lieu de 30). Il intègre également des réservoirs (7,5 ou 9 kg) fournis par les deux équipementiers français de référence : OPmobility et Forvia.
Mais l’avancée principale provient naturellement de l’intégration de la chaîne de propulsion Dual Power. Au lieu d’adapter les composants sur un véhicule existant, comme sur la génération précédente, les équipes ont pu bénéficier de l’apport d’une nouvelle plateforme multi-énergies sur laquelle ils ont pu travailler en amont. Tout en préservant le volume de chargement et la charge utile, l’architecture hydrogène assure une efficacité énergétique optimale pour la batterie (de 20 kWh, au lieu de 33) et la pile à combustible. Le nouveau Master tire le meilleur parti de l’hydrogène et de l’électrique.
Dans le même hall que Hyvia, Stellantis Pro One exposait le nouvel Opel Movano. C’est le premier grand fourgon à hydrogène de la gamme du constructeur franco-italo-américain. Ce modèle vient en complément de la gamme compacte (Peugeot Expert, Citroën Jumper, Opel Vivaro). Avec sa pile de 45 kW et sa batterie de 11 kWh, et embarquant 7,5 kg d’hydrogène, le Movano revendique une autonomie de 500 km. Ce modèle intègre également un moteur électrique d’une puissance de 110 kW (150 ch) avec un couple maximal de 410 Newton mètres. L’architecture hybride permet de bénéficier d’une aide au démarrage et à l’accélération, ce qui permet au système de pile à combustible de fonctionner toujours dans des conditions optimales. Par ailleurs, l’énergie de freinage peut être récupérée et injectée dans la batterie sous forme d’électricité via le moteur électrique. Stellantis précise que l’ensemble de la chaîne de de propulsion et les réservoirs d’hydrogène sont placés dans un espace si réduit que le fourgon ne fait aucun compromis en termes d’utilisation quotidienne. L’Opel Movano à hydrogène peut stocker jusqu’à 17m3 de cargaison et supporter jusqu’à 1 370 kilogrammes de charge utile. Un Peugeot Boxer à l’hydrogène était également présent à Hanovre, mais il s’agissait d’un véhicule transformé par l’équipementier Phinia et doté d’un moteur à combustion.
Chez les Allemands, Quantron était sur place avec la camionnette QLI FCEV de 450 km d’autonomie. On pouvait aussi voir de l’hydrogène sur le stand de Toyota. Le constructeur japonais a voulu prolonger le dispositif des JO de Paris, en exposant son pick-up Hilux à hydrogène. Le véhicule est exposé à côté de la pile à combustible de Toyota, qui va bien au-delà de l’automobile. Clairement, le géant japonais veut prendre date dans le domaine de la mobilité lourde. D’ailleurs, il était aussi possible de tester le camion à pile Toyota rétrofité par Hyliko.
L’IAA de Hanovre est surtout un salon où l’on voit des camions. Et force est de reconnaître que la plupart des constructeurs ont intégré l’hydrogène dans leur offre, à côté de l’électrique à batterie, du gaz et des biocarburants. De l’avis des experts, le moteur à hydrogène serait la technologie la plus pertinente pour le camion, mais on trouvait également des applications avec pile, sachant que certains acteurs présentaient même les deux (Bosch, Paccard).
La pile à combustible est le choix affirmé de Daimler, qui exposait son prototype de camion GenH2. Une option également visible chez Volvo, mais est-ce un hasard quand on sait que les deux groupes sont coactionnaires de Cellcentric qui était également présent ? On relevait par ailleurs la présence de plusieurs fabricants de piles dont Bosch, EKPO et Symbio. Plus surprenant, Iveco qui communiquait jusqu’à présent sur la pile à combustible (le groupe italien va en effet produire des camions à hydrogène de ce type, suite à la reprise des actifs de Nikola) a fait le choix d’exposer deux camions avec un moteur à hydrogène, dont l’un avec le moteur apparent. On reste en famille puisque ce bloc était fourni par FPT Industrial. La branche moteurs de Fiat présentait le XCURSOR 13 : un moteur multi-carburant dont les versions vont du diesel au gaz naturel (y compris le biométhane) en passant par l’hydrogène et les carburants renouvelables. Elle exposait aussi le N67 Hythane : un moteur au gaz naturel qui peut fonctionner avec un mélange de gaz et d’hydrogène. La solution du moteur à combustion H2 pour les camions a été mise en avant par Cummins, Keyou (dans le cadre du projet Hycet mené avec Volvo), ou encore MAN.
Il faut savoir que l’alliance du moteur hydrogène* fait valoir à Hanovre sa complémentarité sur le marché. Cette structure a organisé un événement sur le salon, auquel participaient Cummins, MAN, Bosch, la DSLV (Federal Association for Freight Forwarding & Logistics) et la Commission européenne. Pour Jane Beaman, vice-présidente mondiale des activités de ramassage sur route chez Cummins, « le moteur H2 devrait être une technologie de transition cruciale ». « Nous avons besoin de toutes les technologies de groupes motopropulseurs afin de répondre aux divers besoins des clients et de l’environnement. Il n’y a pas l’un ou l’autre mais l’un et l’autre ! », a scandé Jane Beaman. Pour elle, « Les futures solutions de groupes motopropulseurs – batterie électrique, pile à combustible, moteur à combustion interne à hydrogène et diesel avancé avec carburants liquides renouvelables – doivent se compléter. Il y a une place sur le marché pour chaque solution ».
* Allianz Wasserstoffmotor, basée en Allemagne et qui regroupe bon nombre d’industriels dont BorgWarner, Bosch, Cummins, Daimler Truck, Isuzu, MAN, mais aussi FPT Industrial.
Un article de France Hydrogène dédié au camion à hydrogène
L’association a souhaité également faire le point sur les alternatives dans le camion, où les exigences sont fortes dans la réduction des émissions de CO2 (-15 % en 2025 et -30 % en 2030 par rapport à 2019). Il existe aujourd’hui des camions électriques, mais l’hydrogène reste plus particulièrement adapté aux besoins des transports lourds et intensifs. Ce secteur est en effet soumis à de fortes contraintes opérationnelles auxquelles les véhicules électriques à batterie ne peuvent répondre (temps de recharge rapide, grande autonomie, charges lourdes et usage intensif). Cet article pointe l’autonomie appréciable procurée par l’hydrogène. Elle est de 400 km pour le Hyundai XCient FC, 450 km pour le camion Hyliko, et pourrait même passer à 800 km pour le camion IVECO prévu pour 2027/2028. Il est possible d’aller encore plus loin, comme l’a montré Daimler Truck avec le Mercedes-Benz GenH2. Il est crédité d’une autonomie record de 1 047 km avec un seul plein d’hydrogène liquide. A partir de 80 000 km par an, l’hydrogène devient déjà un candidat pour le transport régional avec des camions de 16 à 32 tonnes. Il peut être concurrencé par la batterie, mais au-delà 100 000 kilomètres, c’est l’hydrogène qui devient la principale alternative.
L’écart de poids est un critère déterminant, sachant qu’un camion électrique doit embarquer plusieurs tonnes de batteries pour offrir une grande autonomie. Et il y a celui de la recharge. Le plein prend 20 mn aujourd’hui sur des camions où le stockage se fait à 350 bars. Un temps qui pourrait descendre à 10 mn, avec des réservoirs à 700 bars.
France Hydrogène rappelle que les JOP de Paris ont été le cadre de démonstrations de camions à hydrogène, avec le poids-lourd retrofité de Hyliko (exploité par Bert & You, celui qui convoyait dans Paris les navettes électriques de transport pour les athlètes) et deux autres véhicules fournis par Toyota à Coca-Cola.