L’hydrogène à faibles émissions est une opportunité de changement de paradigme, au service de la transition écologique, d’une économie mondiale décarbonée et de la cohésion sociale.

L’hydrogène a fait l’objet d’une déclaration dans les conclusions de la dernière COP 28 à Dubaï en décembre 2023 : une première. Sans l’intégration significative de l’hydrogène à faibles émissions dans le mix énergétique mondial, la neutralité carbone à 2050 ne pourra pas être atteinte. Il y a urgence à décarboner nos économies ; l’électrification et l’hydrogène à faibles émissions sont deux piliers complémentaires de cette transition énergétique. Tous les pays peuvent en devenir acteur. En effet, à la différence du pétrole, l’hydrogène à faibles émissions peut être produit partout y compris dans des pays pétroliers déjà tournés vers l’hydrogène. Cela explique la décision de dizaines de pays à formuler une stratégie nationale de l’hydrogène.

Certains pays disposent des conditions favorables à une production massive d’hydrogène décarboné quand d’autres sont confrontés à des difficultés, que cela soit pour des raisons d’énergies primaires disponibles, ou pour des raisons de coûts de production. L’atteinte des objectifs de décarbonation passe par la création d’un marché international de l’hydrogène et des produits dérivés, l’hydrogène devenant une commodité.

Après le tsunami d’annonces de projets liés à l’hydrogène, nous sommes entrés dans une période de confrontation avec la réalité. Comme l’a souligné l’Agence Internationale de l’Energie (IEA), nous progressons plus lentement que prévu en raison de vents contraires tels que l’inflation, les coûts d’investissement, ainsi que de trop nombreuses incertitudes sur la demande, la réglementation, l’infrastructure et les règles de subvention pour favoriser l’émergence d’une véritable filière de l’hydrogène à faibles émissions. La courbe d’apprentissage reste cependant à un niveau habituel pour une nouvelle technologie. Le facteur le plus important à prendre en compte aujourd’hui est d’assurer l’adoption de l’hydrogène à faibles émissions par les consommateurs historiques, afin d’amorcer l’essor du marché. Cela nécessite une mise en œuvre beaucoup plus rapide et plus claire des politiques associées et une collaboration plus étroite entre tous les acteurs privés et publiques. Il est essentiel de se coordonner le plus rapidement au niveau international pour lever ces incertitudes et pour créer la confiance que cet hydrogène à faibles émissions l’est réellement d’où qu’il provienne et qu’il contribue significativement à l’atteinte de la neutralité carbone.

Cette coordination internationale s’est mise en place aussi bien au niveau des états, des acteurs privés que des organisations gouvernementales /non gouvernementales. Le « Hydrogen Council » rassemble les décideurs des principaux acteurs industriels mondiaux de la filière. Le « Hydrogen Breakthrough Agenda », créé lors de la COP 26 à Glasgow, regroupe les états et les principales organisations internationales autour de 4 priorités : 1. la réglementation, normalisation et certification : 2. le management de la demande ; 3. la recherche et développement ; 4. financement et il a défini une feuille de route commune sur plusieurs années pour développer une filière mondiale de l’hydrogène à faibles émissions avec les COP comme points d’étape annuels. Le rôle de facilitateur a été attribué à l’IPHE.

L’IPHE (International Partnership for Hydrogen and fuel cells in the Economy) est un partenariat de gouvernement à gouvernement créé il y a 21 ans regroupant 24 membres des 5 continents, dont la France, un des membres fondateurs. Il a pour mission d’accélérer le développement d’une économie de l’hydrogène à faibles émissions au service de la décarbonation en se basant sur des échanges réguliers, entre des membres des gouvernements sur leurs politiques, stratégies et démonstrations et sur des collaborations ouvertes et inclusives d’experts gouvernementaux sur des actions structurantes comme :

  • la réglementation et la normalisation,
  • la reconnaissance mutuelle de schémas de certification,
  • les règles de commerce,
  • les compétences métiers nécessaires pour assurer le succès de la filière hydrogène à faibles émissions et enfin
  • une transition juste pour que la transition énergétique bénéficie à toutes les catégories sociales.

Un dialogue interministériel avec les acteurs industriels du Hydrogen Council sur le commerce de l’hydrogène à faibles émissions a été mis en place l’année dernière dans le cadre d’un forum international public-privé (International Hydrogen Trade Forum – IHTF) pour définir et mettre en œuvre rapidement les futurs couloirs d’exportation et d’importation de l’hydrogène à faibles émissions et des produits dérivés et qui s’est récemment élargi à des produits semi-transformés.

Une structuration internationale d’une économie de l’hydrogène à faibles émissions est en marche. Il s’agit maintenant de s’engager encore plus fortement dans la coopération, dans une coordination internationale et dans le partage ouvert d’informations sur les expériences et les apprentissages. Cela passe notamment par :

  • une collaboration plus étroite entre les entreprises tout au long de la chaîne de valeur, entre les investisseurs et les banques multilatérales de développement,
  • une revisite de la vision classique du « modèle économique » afin de l’adapter aux défis de la transition écologique,
  • un renforcement des capacités techniques des autorités locales et nationales, dont le bénéfice est illustré par les travaux de l’IPHE,
  • la mise en place sans tarder des programmes de formation et de valorisation des métiers de la filière pour attirer les jeunes talents et enfin
  • la poursuite des efforts de R&D afin de préparer l’avenir de la filière.

Sa réussite est l’affaire de tous, aux acteurs français de saisir cette opportunité historique.

Laurent Antoni, Directeur exécutif de l’IPHE, Senior Fellow Hydrogen au CEA, Vice-Président de France Hydrogène