« Une première en France avec une chaîne de propulsion hybride électrique et hydrogène », Eloa Guillotin, CEO de Beyond Aero
Vous avez donc procédé en janvier et février à une série de vols avec une chaîne de propulsion à échelle réduite. Comment avez-vous préparé cette grande première ?
En fait, cela fait deux ans que nous développons notre chaîne de propulsion à l’aide d’un jumeau numérique. C’est, comme vous le savez, un modèle qui permet de simuler virtuellement le comportement complet d’un produit similaire au réel. Nous avons donc développé les composants, puis procédé à l’assemblage des sous-systèmes. Cela nous a amené à une première phase de test au sol du système complet. Puis, nous avons décidé de faire une démonstration en vol de ce système en échelle réduite. C’est ce que nous avons fait à bord d’un petit avion qui a été retrofité. Il y a eu au total 10 décollages et 2 vrais vols entre janvier et février. C’est une première en France, avec une chaîne de propulsion hybride électrique et hydrogène. Il s’agit d’une étape majeure, car cela montre la fiabilité de notre système qui embarquait une pile à combustible, un moteur électrique, des batteries et trois réservoirs d’hydrogène à l’état gazeux.
Vous avez choisi de faire ce vol avec un avion baptisé Blériot. Pourquoi ?
C’est un grand nom de l’aviation et surtout un pionnier. Nous avons voulu nous inscrire dans les traces de Louis Blérot qui a été le premier à traverser la Manche en 1909. Le temps est aujourd’hui à l’action. Mais, il nous reste encore beaucoup d’étapes.
Comment voyez-vous la suite maintenant ?
Les enseignements tirés du vol vont nous permettre d’affiner le concept de notre avion d’affaires. Nous souhaitons proposer un avion de 6 à 8 places, capable de parcourir 1 500 km. Pour atteindre cet objectif, nous discutons avec un certain nombre de partenaires. Notre choix est de développer cet avion d’affaires autour de la chaîne de propulsion hybride électrique-hydrogène. Et nous avons choisi de privilégier l’hydrogène gazeux, afin de simplifier l’architecture. L’approche est globale au niveau du design et de l’intégration des technologies.
Que pensez-vous de l’écosystème toulousain, où plusieurs entreprises travaillent déjà sur l’avion à hydrogène ?
Le marché est assez grand pour tout le monde et les besoins sont vraiment énormes. Je trouve cet écosystème très stimulant. De plus, il y a un accompagnement très appréciable de la région Occitanie. Notre vision est que dans 20 ou 30 ans l’avion va passer à l’électrique.
Votre entreprise a levé au total 24 millions d’euros. Comment expliquer un tel engouement ?
Nous avons en effet levé des fonds et reçu des subventions de France 2030, qui est une initiative assez unique au monde. Beyond Aero travaille sur un produit qui rencontre un bon accueil du marché. Suite à la présentation de notre avion d’affaires, lors du salon du Bourget, nous avons reçu en commandes l’équivalent de deux ans de production. Nous avons le sentiment d’aller dans la bonne direction.
Les trois fondateurs ont pour point commun de venir de l’aviation ou de l’avoir étudiée. Comment en êtes-vous arrivée à développer un avion à hydrogène ?
Je voulais faire astronaute ou pilote de chasse. C’était donc Supaero, sinon rien. A l’Université, j’ai rencontré Hugo Tarlé (co-fondateur et directeur technique), qui avait créé une start-up pour recharger plus rapidement les batteries de téléphones portables. L’énergie a été un point commun, car nous avons développé des prototypes pendant nos études. Mon parcours m’a aussi conduit vers Polytechnique, l’Université de Berkeley et l’entrepreunariat avec HEC. Et puis, j’ai rencontré aussi Valentin Chomel (co-fondateur et directeur de la stratégie), qui était passé par Safran. C’est ainsi que s’est constitué le trio qui a créé Beyond Aero. Le défi est passé de la théorie à la pratique avec un avion à hydrogène à long rayon d’action.