Interview des lauréats des premiers Prix France Hydrogène
Pour quel système ou innovation avez-vous été désigné comme lauréat ?
Jean-Michel Amaré
Nos stations de recharge d’hydrogène mobiles se déplacent vers le client, quel que soit le besoin. Leur transport est facilité, grâce à une conception permettant une résistance spécifique aux vibrations. Le délai entre l’arrivée sur place et le premier plein est également le plus rapide du marché : seulement 4h, contre 2 semaines pour une station compacte classique, grâce à notre programme ata’Start. Elles intègrent également un second programme automatisé, ata’check, pour éviter l’indisponibilité des stations. Disponibles à l’achat ou la location, les stations mobiles ne nécessitent pas de génie civil et leur capacité de distribution s’adapte suivant la source hydrogène connectée, le type de véhicule et la fréquence d’approvisionnement. Un gain de temps et une flexibilité non négligeables.
Laurent Favreau
Il s’agit du déploiement d’un écosystème de production d’hydrogène renouvelable et local à l’échelle départementale ; de la production aux usages, en passant par la distribution. C’est une première mondiale… et c’est en Vendée ! Le SYDEV et sa SEM Vendée Energie agissent depuis 2014 dans le déploiement d’infrastructures de recharge en carburant alternatif. L’expérience a montré combien le déploiement parallèle des infrastructures et des usages est indispensable à l’implantation d’écosystèmes décarbonés durables. Dès 2015, Il a semblé évident aux élus et acteurs vendéens de déployer un écosystème de mobilité hydrogène pour proposer un mix complet de carburants décarbonés produits localement et distribués en circuit court. Les premières réflexions ont tout de suite fixé les grandes lignes du projet : produire de l’hydrogène localement par électrolyse de l’eau de mer et à partir de l’électricité fournie par 3 éoliennes propriété de Vendée Energie et dont le contrat d’obligation d’achat arrivait à son terme. C’est sur cette base que la Vendée a été labellisée Territoires d’Hydrogène en 2016. Le SYDEV a porté le développement de l’écosystème et fédéré une dynamique d’acteurs privés et publics locaux qui, soutenus par l’ADEME, la Région Pays de la Loire, et le Conseil Départemental de la Vendée, ont mis en œuvre le projet dans un délai particulièrement court. 3 ans après la signature de la convention d’accompagnement par le SYDEV, un écosystème réplicable et innovant a vu le jour caractérisé par :
– le premier site de production industrielle d’hydrogène renouvelable de Lhyfe, à Bouin. Il s’agit du premier électrolyseur au monde qui soit directement connecté à une énergie renouvelable. L’hydrogène renouvelable produit est ensuite acheminé par conteneur vers les stations qui maillent le département, selon un modèle centralisé,
– un maillage de 3 stations hydrogène (La Roche-sur-Yon, Les Sables d’Olonne, Givrand) exploitées par le SYDEV et Vendée Energie dont 2 stations multi-énergies. Ces stations situées sur des axes stratégiques, accessibles et évolutives sont d’ores et déjà adaptées à l’accueil des poids lourds qui constitueront la majeure partie des usages de demain,
– une trentaine de véhicules représentatifs de l’offre actuellement disponible (VP, VUL, autobus, BOM).
Emmanuel Bouteleux
Nous développons une technologie de stockage d’hydrogène sous forme solide avec des hydrures métalliques. Il s’agit de poudres réversibles, qui stockent à basse pression de l’hydrogène : dix bars à une température de vingt degrés. Il n’y a pas besoin d’énergie pour engager l’absorption ou la désorption de l’hydrogène des hydrures. De plus, nous profitons de la chaleur de la pile à combustible pour réchauffer les réservoirs pendant la phase de désorption et ainsi en même temps refroidir la pile à combustible. Nous avons intégré cette technologie dans un quadricycle (véhicule du projet Mobypost qui a été testé par La Poste en région Bourgogne-Franche-Comté). Nous avons retrofité complètement toute la chaine de propulsion électrique hydrogène et l’avons rebaptisé Mhytic (Metal Hydride Tank for Innovative Car). Notre stockage solide présente une densité volumique intéressante, car 1 kg d’hydrogène occupe l’équivalent de 32 litres. Avec 85 kg de réservoirs, nous pouvons garantir une autonomie de 180 km sur un véhicule type MHYTiC.
Amandine Allard
Nous avons été désignés comme lauréat pour le retrofit d’un car thermique en car électrique H2, sur la base d’un Iveco Crossway vieux de 11 ans. Le car H2 n’existe pas, mais le bus oui, et quand le décret du 13/03/2020 est sorti, autorisant le rétrofit électrique ou électrique hydrogène, nous avons tout de suite pensé à proposer une expérimentation à la Région Normandie : le Nomad Car Hydrogène retrofité. Le contexte était favorable, dans la mesure où la Normandie s’est dotée d’un plan hydrogène en 2018 en maillant notamment le territoire avec 12 stations hydrogène, dont celle d’Evreux qui délivre 50 kilos par jour. Et le cas d’usage était tout trouvé avec une liaison entre Rouen et Evreux, d’une longueur de 380 km que le car électrique à batterie ne permet pas de réaliser. Ce projet, qui a associé une douzaine de partenaires, se distingue aussi par sa gouvernance et son inscription dans l’écosystème normand. Nous avons créé un COPIL et six groupes de travail, couvrant des sujets aussi divers que les risques, mais aussi l’acceptabilité de ce projet par les voyageurs, conducteur ou passants. Sur un plan technique, IBFH2 a été choisi car il nous a proposé d’intégrer un kit qui avait été installé sur un banc d’essai. Il avait parcouru l’équivalent de 1 800 km et nous savions qu’il fonctionnait. Notre car est rétrofité depuis mai 2022 et roule. Il a parcouru 3 500 km, mais il n’est pas encore homologué.
En quoi cela fait-il avancer la filière ?
Jean-Michel Amaré
Dans une filière en plein essor dans laquelle les constructeurs de véhicules travaillent sur des problématiques de décarbonation et d’autonomie, le développement des technologies représente un enjeu crucial. Ce développement passe par un accès facile à l’hydrogène. Avec cette solution, il est désormais possible de recharger un véhicule au moment et à l’endroit où l’utilisateur en a besoin – AnyTime, AnyWhere, EnergY – et donc d’accélérer le déploiement de la mobilité hydrogène, en libérant les usages. Tests, démonstrations, chantiers, applications temporaires, relais de stations fixes ou encore amorçage d’écosystèmes, nos stations mobiles viennent soutenir les avancées technologiques des constructeurs de véhicules hydrogène.
Laurent Favreau
Représentatif de la filière et duplicable, l’écosystème vendéen est un véritable démonstrateur pour les syndicats, transporteurs, collectivités et entreprises privées qui visitent chaque semaine la station-service de la Roche-sur-Yon ainsi que l’usine de Lhyfe à Bouin. Ayant fait preuve d’un taux de disponibilité d’hydrogène renouvelable et de véhicules convaincant, il permet de rassurer les premiers usagers et de les projeter dans l’acquisition de nouveaux véhicules. La concrétisation de ce projet est inspirante pour les porteurs de projets car elle est la preuve que l’hydrogène renouvelable est une énergie de transition, dont il faut se saisir dès aujourd’hui.
La distribution d’hydrogène renouvelable local est un vrai atout compétitif pour les entreprises et collectivités locales, qui peuvent dès aujourd’hui inclure ce vecteur énergétique dans leur mix et se doter de technologies précurseurs pour décarboner leurs mobilités. Outre la décarbonation des mobilités sur le territoire et la création d’une filière industrielle d’avenir, ce projet a permis la sensibilisation du public à l’hydrogène, la montée en compétences des techniciens par la mise au point des équipements (stations-services, véhicules, …) et la création d’un lieu d’expérimentation pour les constructeurs de véhicules. Séduits par notre maillage, par le caractère renouvelable de l’hydrogène et par le bon fonctionnement de nos équipements, notre écosystème est aujourd’hui plébiscité par l’ensemble des constructeurs pour faire évoluer leurs premiers véhicules. Nous avons participé aux premiers ravitaillements de prototypes permettant aux industriels de finaliser le développement de véhicules de demain. Notre écosystème est ainsi un terrain d’essai, où les nouvelles solutions sont ajustées et mises au point. Nous avons la satisfaction d’avoir réussi à fédérer des acteurs impliqués et qui ne cessent de se professionnaliser, constituant aujourd’hui un réseau local expert sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène.
Une dynamique territoriale est en marche, ce qui s’avère être de bon augure pour la poursuite du déploiement de notre écosystème et de la filière française. L‘écosystème s’inscrit dans 2 initiatives de développement de l’économie et de la compétitivité locale. Tout d’abord, le SYDEV est partenaire de la chaire partenariale « Territoires durables et flexibilité énergétiques » déployée par le CNAM à La Roche-sur-Yon. Elle sera dédiée au courant continu, à l’hydrogène et à la cybersécurité. Par ailleurs, l’Agglomération de La Roche-sur-Yon, le Groupe Michelin et la Banque des territoires développent le pôle d’excellence Atinéa sur le site de l’ancienne usine Michelin, à quelques centaines de mètres de la station multi-énergies. Porté par une logique de décarbonation de l’économie et de développement de solutions durables, le pôle Atinea bénéficie d’immobilier et de foncier disponibles pour faciliter l’installation d’industries dédiées à la mobilité durable et aux énergies. Le dynamisme de la Vendée pour assurer la transition énergétique et l’écosystème de mobilité hydrogène sont une source d’attractivité pour les industriels de la filière qui souhaiteraient s’implanter.
Emmanuel Bouteleux
La solution du stockage solide a déjà été explorée par McPhy et Mahytec. Mais, nous n’utilisons pas le même type d’hydrures. L’intérêt pour la filière est de stocker un hydrogène qui est à la pression de l’électrolyseur pour ainsi réduire les coûts opérationnels et augmenter les rendements. C’est une solution qui convient bien pour du stationnaire, ainsi que des applications liées à la mobilité comme les quadricycles, les véhicules de livraison du dernier km et les engins de manutention ou encore les bateaux. Pour mener à bien la phase d’industrialisation prévu à l’horizon 2024, nous procédons actuellement à une levée de fonds.
Amandine Allard
Ce projet a permis de réaliser une étude sur l’analyse du cycle de vie d’un car électrique hydrogène avec pile à combustible. Nous démontrons que le retrofit d’un autocar est une solution vertueuse, dès lors que l’hydrogène est renouvelable et produit localement dans un rayon de moins de 100 km. L’étude, réalisé par l’INSA et son laboratoire le Coria, intéressera la filière. A travers ce projet, l’objectif est d’allonger la durée de vie des flottes pendant une durée de 25 ans, au lieu de 12 en moyenne. Cela constituerait une économie de matières premières. Nous avons également mesuré les économies de CO2 et particules fines en sortie du pot d’échappement par rapport à sa version thermique de 11 ans. En tant que 1er projet de rétrofit hydrogène et création d’un nouveau véhicule, nous avons dû et devons encore lever de nombreux freins techniques et administratifs. Nous y travaillons sans relâche avec IBFH2, l’Utac et le CNRV. En principe, ce sera bon cet été !
Quel regard portez-vous sur ces Prix France Hydrogène ?
Jean-Michel Amaré
Les Prix France Hydrogène sont une réelle chance pour les acteurs de la filière hydrogène française car ils soutiennent la création de valeur et mettent en avant à l’échelle nationale leur dynamisme et leurs réalisations. Ils participent également au rayonnement de la filière et de ses acteurs en les faisant connaitre auprès du grand public, un élément important lorsque l’on sait qu’elle va générer la création de multiples emplois dans les mois à venir.
Laurent Favreau
Ces prix sont importants pour valoriser les premières réalisations concrètes dont la filière a besoin pour rassurer. Ils assurent au porteur de projets une mise en avant et une reconnaissance du travail accompli. En tant que lauréat, nous exprimons une certaine fierté que nous partageons avec l’ensemble des acteurs sans qui cette réalisation n’aurait jamais été possible.
Emmanuel Bouteleux
C’est intéressant de mettre en valeur les start-ups, moins connues que les grands groupes, et dont la technologie est mature. Nous avions pour espoir de décrocher le prix du grand public, mais ce prix coup de cœur est encore mieux. C’est une reconnaissance par nos pairs et assurément une belle surprise.
Amandine Allard
Ces prix sont une excellente idée. Il y a beaucoup d’événements autour de l’hydrogène et un prix montre qu’il existe des cas concrets d’innovation en France, qui sont des projets de longue haleine. Cela fait beaucoup de bien quand on le reçoit, la Région, Transdev et tous les partenaires de cette expérimentation y voient la réalisation de leurs efforts. C’est une grande fierté et une mise en lumière de nos compétences.